Site sur l'accordéon diatonique de Erwan 'diato' Tanguy

Accordéon irlandais - peut-on parler d'un style de jeu ancien et d'un style de jeu moderne ?

Les accordéons en musique irlandaise

Il existe plusieurs types d'accordéons en musique irlandaise. A l'exception du 'touches pianos', il n'y a pas d'accordéon chromatique unisonore en Irlande ; il en est de même pour les concertinas, seul l'anglo est utilisé.

Le 'touches pianos'

L'accordéon à touches pianos est au moins présent depuis 1960 en Irlande. Il a fait son apparition au Fleadh cheoil* en 1964. La plupart des champions d'Irlande dans cette catégorie sont inconnus, contrairement à ceux des autres disciplines. On peut néanmoins citer certains musiciens connus à partir de 1980 : Jimmy Keane (USA), Karen Tweed (Angleterre), Phil Cunningham (Ecosse); et encore plus récemment (à partir de 1990): Alan Kelly, Colette O'Leary, Mirella Murray et Oliver laughlin (Irlande).

L'accordéon à touches pianos n'a jamais eu un grand succès en musique irlandaise. Joe derrane, musicien très reconnu (Stéphane Grappelli, lors d'un concert en Irlande, l'a vu jouer et s'est dit 'fasciné par sa musique') a vendu son do#/ré pour acheter un 'touches pianos' dans les années 1960, mais n'a jamais rencontré de succès avec cet instrument. Il est revenu sur le devant de la scène quand il a recommencé le do#/ré à la fin des années 1980. Cet instrument est en fait plus représentatif des 'sessions' de chants folkloriques (type chansons du groupes 'the dubliners').

*: championnat d'Irlande de musique, chants et danses traditionnels : le premier a été organisé en 1951 par Comhaltas Ceoltóirí Éireann (Society of the Musicians of Ireland), organisation fondée la même année et ayant pour but de promouvoir le chant (sean-nós), la danse, la musique et la langue irlandaise.

Le concertina anglo:

Il est difficile d'établir à partir de quand le concertina a été présent en Irlande. On sait par contre que les parents de Willie Clancy (uillean piper du Co.Clare, 1918-1973) jouaient tous deux du concertina, ce qui laisse penser qu'on y trouve cet instrument depuis au moins la fin du XIXème siècle.

Le concertina anglo, surtout pratiqué dans le Co.Clare, est présent au Fleadh cheoil depuis 1956. Il n'y avait sans doute pas beaucoup de pratiquants de cet instrument puisque Chris Droney, loin d'être un musicien virtuose, a obtenu le titre de champion d'Irlande neuf fois de suite! Il faut attendre Noël Hill dans les années 1980 pour lui donner des lettres de noblesse et créer un réel engouement pour cet instrument.

Le mélodéon:

Le premier accordéon utilisé en musique irlandaise est le mélodéon. Les premiers enregistrements (à partir de 1904, sur cylindres puis sur 78 tours), ont été ceux de John Kimmel. Né à Brooklyn, fils d'immigrés allemands, il reste aujourd'hui un virtuose inégalé du mélodéon.

Il ne pratiquait pas que la musique irlandaise, son répertoire comprenait des polkas, des marches, des scottishes. Il a beaucoup influencé des musiciens tels que joe Flanagan (même si celui-ci a toujours prétendu le contraire!), Joe Derrane, Mairtin O'Connor.

Son style de jeu a également beaucoup influencé les musiciens du Québec, où le mélodéon reste le seul accordéon pratiqué.

Les tonalités principales en musique irlandaise sont voisines: Ré majeur, Sol majeur, La majeur, Mi mineur, la mineur et si mineur. Le mélodéon est souvent en ré majeur, les musiciens étant obliger de contourner certaines notes pour pouvoir jouer dans toutes ces tonalités, voire de transformer certains airs: c'est sans doute à partir de cette époque qu'on assiste au remplacement de la sous-tonique par une sensible dans certains airs.

C'est pour élargir les possibilités du mélodéon qu'à partir des années 1940 lui est rajouté une rangée (correspondant à une gamme en do# majeur, le rendant ainsi chromatique). Le mélodéon n'est depuis lors plus utilisé que comme un accordéon secondaire, sauf rares exceptions (par exemple Johnny Old Connolly, John O'Halloran).

L'accordéon irlandais:

On ne sait pas bien comment est né ce type d'accordéon, il n'est probablement pas originaire d'Irlande.

En France, Emile Vacher, 'créateur du genre musette', enregistre à partir de 1929 sur un système mixte, les tonalités de la main droite étant sol, do et si. On retrouve le demi-ton d'écart entre deux des rangées de boutons.

Les systèmes irlandais, comme l'instrument d'Emile Vacher, ne sont utilisés que pour des chromatismes passagers et non pour jouer dans toutes les tonalités. Les accordéonistes qui utilisent le do#/ré ne jouent que très rarement des airs en Ré mineur ou Sol mineur, tonalités employées dans l'est du County Clare par exemple.

Le do#/ré ne permet que très peu d'avoir un jeu 'croisé', c'est à dire utiliser les deux rangées pour limiter les changements de sens de soufflet. C'est pourquoi il se rapproche du mélodéon; on parle pour ces deux types d'accordéons de jeu 'poussée-tiré'.

L'accordéon a été très controversé en musique traditionnelle irlandaise pour ce jeu 'poussé-tiré' qui correspond assez peu aux jeux des joueurs de flute, uilleann pipe et violon, mais en faisait un instrument recherché par les danseurs.

Parmi les musiciens les plus connus utilisant ce système on peut citer Mairtin O'Connor, Dermot Byrne, Joe Cooley, Tony McMahon, Jackie Daly, Joe Derrane.

On ne sait pas trop non plus quand est apparu le si/do en musique traditionnelle irlandaise, apparemment le premier qui l'utilise est Sonny Brogan mais c'est Paddy O'Brien qui le popularise à partir des années 1950. Il est aujourd'hui utilisé par les 2/3 des irlandais.

Le jeu sur si/do se rapproche du jeu sur violon : sur cet accordéon il est possible de jouer en croisé et d'obtenir plusieurs notes dans un même sens de soufflet, donc d'avoir un jeu plus lié ; les changements de sens de soufflet correspondent d'ailleurs au changements de cordes du violon (en musique irlandaise, seule la première position est employée, la plupart des airs n'allant que jusqu'au si aigu; l'auriculaire est utilisé pour le si aigu et pour l'ornementation, les cordes sont systématiquement jouées à vide pour le ré, le la et le mi).

Paddy O'Brien a développé des ornements sur ce type d'instrument en s'inspirant de la technique du violon; cependant ces ornements sont construits avec des chromatismes, ce qui a entraîné des critiques sévères de la part des puristes, notamment Brendan Breatnach*, qui parle de jeu 'qui dénature la musique irlandaise', mais un engouement de la part de la jeune génération de l'époque, qui qualifiait alors le jeu de Paddy O'Brien de 'jeu moderne'.

Parmi les musiciens les plus connus à jouer sur si/do aujourd'hui il y a Joe Burke, Sharon Shannon, Bobby Gardiner, James Keane, Billy McComiskey.

*: auteur de livres ayant pour titres ceol rince na Eireann, qui sont des recueils d'airs collectés à partir des années 1960 autour de Dublin.

Est-ce qu'un type d'accordéon correspond à un type de jeu?

Cette étude ne concernera que l'accordéon irlandais, à savoir le 'système irlandais' (do#/ré et si/do), puisque c'est le type d'accordéon très majoritairement utilisé en Irlande, ainsi que le mélodéon puisque c'était l'accordéon utilisé jusqu'aux années 1940.

Nous allons essayer d'établir si un type d'accordéon correspond à des styles de jeux assez proches:

Mélodéon: enregistrement No44

On peut constater, malgré des différences de technique instrumentale, que les sons des mélodéons sont très proches. Voici quelques exemples : John J Kimmel, Joe Flanagan, Dermot Byrne.

Do#/ré: enregistrement No45

Il y a plusieurs sons d'accordéons différents, et de nombreuses différences de techniques instrumentales.

Beaucoup de musiciens semblent choisir le do#/ré pour son côté 'poussé-tiré': c'est la raison pour laquelle Mairtin O'Connor et Benny McCarthy, qui ont commencé par le si/do, se sont convertis au do#/ré.

Josephine Marsh a eu la démarche inverse, abandonnant le do#/ré pour jouer du si/do.

Voici quelques jeux d'accordéonistes très différents: Joe Cooley et Dermot Byrne, Jacky Daly et Colm Gannon...

Si/do: enregistrement No46

On peut citer de nombreux accordéonistes qui ont essayé de copier Paddy O'Brien, certains ont des jeux très similaires, par exemple Joe Burke et Bobby Gardiner.

Il n'a y autrement pas de point commun entre les accordéonistes qui pratiquent le Si/do : difficile en effet de regrouper Sharon Shannon, Josephine marsh, Joe Burke...

Conclusion:

Il semble que le type d'accordéon n'influence pas le jeu des musiciens: on peut entendre sans analyse pour un type d'accordéon des différences dans le son des accordéon (excepté pour le mélodéon) et dans la technique instrumentale.

Nous allons regrouper certains des accordéonistes les plus connus par génération pour ensuite voir si il est possible de déceler des sons d'accordéons communs, une technique instrumentale commune aux accordéonistes d'une même génération.

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